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Selon les chercheurs, grâce à la puissance du traitement anti-VIH moderne (TAR), de nombreuses personnes séropositives vivant au Canada et dans les autres pays à revenu élevé ont une espérance de vie quasi-normale, pourvu qu’elles soient au courant de leur statut, qu’elles participent activement à leurs soins et à leur traitement, qu’elles n’aient pas de co-infection grave et qu’elles ne souffrent pas de problème de santé mentale non traité ou de dépendance.

Le TAR a un autre effet remarquable : en supprimant le VIH jusqu’à un niveau tellement faible qu’il est impossible de le détecter avec les tests de laboratoire de routine, les études révèlent que les personnes séropositives ne transmettent pas le virus à leurs partenaires sexuels tant et aussi longtemps qu’elles prennent le TAR tous les jours afin de maintenir leur charge virale indétectable. Grâce à ces deux bienfaits du TAR, les hommes séropositifs peuvent avoir une vie sexuelle saine qui contribue à leur qualité de vie; cependant, de temps en temps, la dysfonction sexuelle est un problème pour certains hommes vivant avec le VIH. En général, les recherches sur la dysfonction sexuelle féminine sont moins nombreuses, surtout en ce qui concerne les femmes vivant avec le VIH.

Dans cet article Dr Gilbert Seidoux, examinera quelques idées importantes concernant l'impuissance sexuelle masculine.

Dysfonction érectile

L’incapacité d’obtenir et de maintenir une érection ferme s’appelle la dysfonction érectile (DE). Celle-ci figure parmi les problèmes courants que les hommes peuvent éprouver.

Il est difficile d’estimer avec certitude la prévalence de la DE parmi les hommes séropositifs parce que de nombreuses études qui ont amassé des données sur les problèmes érectiles n’ont pas exploré cette question spécifique. Malgré cette limitation, lors de certains sondages, entre 50 % et 60 % des hommes séropositifs interrogés ont dévoilé avoir fait face à la DE. Comme il est souvent difficile pour les hommes de parler de ce sujet, il est possible que le nombre d’hommes souffrant de DE soit plus élevé que ce qu’ont révélé les sondages.

De nombreux facteurs peuvent être à l’origine de la DE. Les causes sont d’ordre biologique dans certains cas et d’ordre psychologique dans d’autres, ou encore une combinaison des deux facteurs peut être en jeu. Quelle que soit la cause de la DE chez un individu, le diagnostic de ce problème devrait être suivi d’une discussion entre le médecin et son patient. La discussion pourrait donner lieu à une investigation de la part du médecin et/ou l’orientation du patient vers un spécialiste, tel qu’un urologue, un endocrinologue, un psychologue, un psychiatre ou un autre au besoin.

Principaux facteurs de risque de DE

La DE touche aussi certains hommes séronégatifs, et les mêmes facteurs de risque qui sont à l’œuvre chez cette population peuvent toucher les hommes séropositifs ou être accentués chez eux. Voici quelques facteurs de risque possibles de DE :

Tabagisme

La cigarette est un facteur de risque de DE bien établi.

Faible taux de testostérone

L’infection au VIH peut réduire le taux de testostérone et d’autres hormones. Pour écarter une éventuelle déficience en testostérone comme cause de la DE, on peut effectuer un test sanguin.

Notons qu’il existe dans le sang des anticorps qui se lient à la testostérone. Or seule la testostérone sans anticorps attachés est utilisable par les cellules du corps; il s’agit de la « testostérone libre ». En raison de son importance, les spécialistes demandent souvent aux laboratoires d’évaluer le taux de testostérone libre lorsqu’ils font des tests de mesure de la testostérone.

Des études ont révélé que les hommes séropositifs, qu’ils suivent un TAR ou pas, ont tendance à avoir un taux de testostérone inférieur à la normale (un état appelé hypogonadisme). Ce problème peut être causé directement par le VIH parce que les cellules infectées par le virus produisent des composés qui peuvent nuire aux testicules (source importante de testostérone). Il pourrait aussi exister un lien indirect avec l’infection au VIH à cause de l’inflammation chronique qu’elle cause dans le corps.

Taux de lipides anormaux

Le cholestérol et les triglycérides sont des corps gras (lipides) qui se trouvent dans le sang. Les concentrations anormales de ces lipides sont associées à une augmentation des risques de maladies cardiovasculaires. La présence de taux de lipides élevés chez un homme touché par la DE soulève la possibilité qu’un problème de circulation sanguine soit en train de restreindre le flux sanguin vers le pénis ou d’empêcher la rétention du sang dans l’organe.

Diabète de type 2

La DE est un problème courant chez les hommes atteints de diabète de type 2 parce que cette maladie peut réduire la circulation du sang et causer des dommages aux nerfs.

Hypertension

Il est normal d’avoir une tension artérielle supérieure à la normale (hypertension) pendant l’activité physique ou les périodes de stress. Cependant, une tension artérielle élevée prolongée peut endommager des vaisseaux sanguins et des organes. L’hypertension est un facteur de risque de DE.

Problèmes de circulation

Un bon flux sanguin est nécessaire pour obtenir une érection. Non seulement le sang doit couler librement pour entrer dans le pénis, il doit y rester pour toute la durée de l’activité sexuelle. Cependant, si les vaisseaux sanguins sont partiellement obstrués à cause d’une maladie cardiovasculaire, la DE peut se produire. Les traumatismes subis par le pénis peuvent également limiter la circulation sanguine dans cette région.

Obésité

L’obésité est un autre facteur de risque de DE bien établi.

Psoriasis

Des recherches récentes portent à croire que certains hommes souffrant de psoriasis pourraient courir un risque accru de DE.
Problèmes psychologiques

Les facteurs touchant la santé mentale peuvent affecter la santé et le fonctionnement sexuels. Notons par exemple que l’anxiété et la dépression peuvent contribuer à la DE.

Malheureusement, le VIH est encore stigmatisé, et certains hommes séropositifs s’inquiètent de transmettre involontairement le virus à leurs partenaires sexuels. Cette inquiétude et d’autres peuvent contribuer à la DE. De plus, les médecins trouvent généralement que la présence de la DE, même si elle est causée initialement par des facteurs biologiques, peut finir par déclencher des problèmes psychologiques qui jouent ensuite un rôle dans la prolongation du problème.

Certains hommes éprouvent aussi le sentiment de ne plus être désirables sexuellement.

Dans les cas où un élément psychologue est à l’origine de la DE, l’orientation vers un psychothérapeute peut être utile.

Médicaments

Certaines classes de médicaments sont susceptibles d’accroître le risque de DE, et quelques-unes peuvent même causer des problèmes par rapport à l’orgasme et/ou à l’éjaculation. Les classes de médicaments dans la liste ci-dessous ont déjà été associées à la DE chez certains hommes. Votre pharmacien peut revoir les médicaments que vous prenez pour déterminer si certains d’entre eux figurent sur cette liste. Notons qu’il est possible que d’autres médicaments/classes qui n’y paraissent pas peuvent également contribuer à la DE; voilà une autre raison pour laquelle les conversations avec son pharmacien (en plus de son médecin) sont importantes lorsqu’on cherche à déterminer l’origine des effets secondaires.

  • stéroïdes anabolisants
  • anxiolytiques
  • certains antidépresseurs
  • certains antiacides appelés inhibiteurs des récepteurs H2 de l’histamine
  • certains anticonvulsivants
  • médicaments pour réduire la tension artérielle
  • inhibiteurs calciques
  • certains diurétiques (thiazides et spironolactone)
  • hormones : estrogènes et corticostéroïdes
  • drogues : alcool, cocaïne, marijuana, méthamphétamine 

Il n’existe pas de données probantes indiquant que le TAR cause la DE. Cependant, des médecins italiens qui étudient le VIH et la DE recommandent que les médecins envisagent de changer le TAR de leurs patients séropositifs si « la DE apparaît peu de temps après l’amorce [du traitement en question]. »

Dépistage et traitement de la DE

Les médecins italiens recommandent également que les hommes séropositifs reçoivent un counseling pour les aider à réduire leurs facteurs de risque modifiables qui peuvent contribuer à la DE. Les facteurs en question incluent les suivants :

  • tabagisme
  • activité physique insuffisante
  • obésité
  • consommation d’alcool et/ou d’autres substances intoxicantes

La prochaine étape consisterait à faire une évaluation pour découvrir d’éventuels facteurs de risque biologiques et hormonaux sous-jacents (diabète, taux réduit de testostérone, taux de lipides sanguins anormaux, etc.). Si l’on découvre un problème de ce genre, on peut le traiter afin d’améliorer la santé générale et la qualité de vie de la personne, et peut-être aussi la DE.

Les médicaments les plus couramment utilisés pour traiter la DE sont des inhibiteurs d’une enzyme appelée PDE-5 et incluent les suivants :

D’ordinaire, l’un de ces médicaments se révélera efficace contre la DE. Cependant, dans les cas où aucun des trois ne réussit, l’orientation du patient vers un urologue pour subir une évaluation plus détaillée peut être une prochaine étape utile. Notons que ces médicaments peuvent interagir avec certains autres médicaments ainsi que des substances à usage récréatif, alors il est nécessaire de tenir une discussion avec son médecin et son pharmacien au sujet des interactions et des effets secondaires possibles des médicaments contre la DE.

Un mot à propos de l’alimentation

Des études par observation portent à croire que l’alimentation peut jouer un rôle pour réduire le risque de DE chez les hommes séronégatifs. Lors d’une étude longitudinale qui a amassé des données auprès de plus de 25 000 hommes aux États-Unis entre  2000 et 2008, on a trouvé que le risque de DE était 14 % plus faible chez les hommes dont le régime alimentaire incluait beaucoup de certains fruits (y compris les fraises, les bleuets, les pommes, les poires et les agrumes), comparativement aux hommes qui n’avaient pas de régime alimentaire semblable.

Ces fruits contiennent des composés naturels qui agissent comme antioxydants et qui peuvent réduire l’inflammation. Lorsque les chercheurs ont évalué en particulier les fruits ayant la teneur la plus élevée en ces composés, soit les agrumes et les bleuets, le risque de DE était réduit de 19 %. Ces effets étaient les plus susceptibles de se produire chez les hommes de moins de 70 ans. Il est important de ne pas mésinterpréter ces données en concluant que les agrumes et les bleuets peuvent guérir la DE ou qu’ils ont une puissance équivalente à celle des traitements contre la DE. Ces fruits colorés semblent plutôt réduire le risque de DE, mais ne peuvent pas remplacer les autres aspects d’un mode de vie sain (comme l’arrêt du tabagisme, la perte de poids, l’exercice quotidien, etc.).

Lors d’une plus petite étude par observation menée auprès de 65 hommes dont la moitié suivait un régime de type méditerranéen (riche en grains entiers, en fruits, en légumes, en noix, en légumineuses et en huile d’olive), on a trouvé que les hommes suivant ce régime étaient moins susceptibles de développer la DE. Rappelons aussi que ce genre d’alimentation est reconnu comme moyen de réduire les risques de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires; qu’un tel régime ait des bienfaits apparentés (comme la prévention de la DE) n’est pas surprenant.

Puisque les régimes alimentaires riches en fruits et légumes colorés ont généralement des effets bénéfiques, ils devraient aussi améliorer la santé générale des personnes séropositives et contribuer potentiellement à réduire le risque de DE chez certains hommes vivant avec le VIH.

Dysfonction sexuelle

Outre la DE, il existe différentes sortes de dysfonction sexuelle qui touchent certains hommes, telles que la réduction du désir sexuel ou la perte de l’intérêt pour le sexe. Ces problèmes peuvent se produire à cause de l’anxiété, de la dépression, des difficultés relationnelles et d’autres problèmes.

La perte de l’intérêt pour le sexe peut être liée à une réduction du taux de testostérone. Il arrive aussi que certaines personnes ne se sentent plus désirables pour de nombreuses raisons.

Pour toutes ces raisons, certains cas de dysfonction sexuelle peuvent nécessiter de la part des médecins de famille et/ou d’autres spécialistes une évaluation en profondeur afin de découvrir, de comprendre et de résoudre les facteurs sous-jacents éventuels en cause. Pour cela, il faut du temps et de la patience.

D’autres recherches sont nécessaires pour élucider les causes de la dysfonction sexuelle chez les hommes séropositifs et trouver les moyens d’y remédier.

Dr. Gilbert Seidoux

RÉFÉRENCES :

  1. Santi D, Brigante G, Zona S, et al. Male sexual dysfunction and HIV—a clinical perspective. Nature Reviews Urology. 2014 Feb;11(2):99-109.
  2. McVary KT. Sexual dysfunction. In: Kasper, Fauci, Hauser, Longo, Jameson, Loscalzo, editors. Harrison’s Principles of Internal Medicine. 19th Edition. 2015. McGraw-Hill Education. Pages 324-330.
  3. Lachâtre M, Pasquet A, Ajana F, et al. HIV and hypogonadism: a new challenge for young-aged and middle-aged men on effective antiretroviral therapy. AIDS. 2017 Jan 28;31(3):451-453.
  4. Wunder DM, Bersinger NA, Fux CA, et al. Hypogonadism in HIV-1-infected men is common and does not resolve during antiretroviral therapy. Antiviral Therapy. 2007;12(2):261-5.
  5. Collazos J, Esteban M. Has prolactin a role in the hypogonadal status of HIV-infected patients? Journal of the International Association of Physicians in AIDS Care. 2009 Jan-Feb;8(1):43-6.
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